En 2006, le gouvernement fédéral allemand réformait la loi encadrant la création et le mode opératoire des coopératives, les eingetragene Genossenschaften eG. Ce faisant, Berlin a contribué à assouplir leur cadre juridique (une coopérative allemande fonctionne comme une SAS française à gouvernance coopérative) et a posé sans le savoir le fondement même du succès des Energiegenossenschaften, ou coopératives énergétiques : selon les chiffres de l’Agentur für Erneuerbare Energien, le nombre de coopératives énergétiques est passé en Allemagne de 86 en 2006… à 888 en 2013.
En France, le Sénat approuvait le 8 novembre 2013 en première lecture le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire (également connu sous le sigle de ESS) qui sera prochainement débattu à l’Assemblée nationale. Dans la description du projet de loi (à voir ici http://www.economie.gouv.fr/files/pjl-ess-dp.pdf), le gouvernement rappelle que la loi dans sa mouture actuelle marque la reconnaissance d’un secteur économique qui fédère environ 10% du PIB de la France.
Et alors, quel est le lien entre ces deux initiatives législatives ? Il se résume en un point : la valorisation de l’engagement citoyen en vue de promouvoir une autre façon de comprendre et de «faire» de l’économie, celle qui privilégie la portée sociale sur le rendement maximum.
De fait, la transition énergétique actuellement en cours en Allemagne est largement portée par les particuliers, les derniers chiffres montrant qu’ils produisent près de la moitié de la production électrique d’origine renouvelable du pays, contre un piètre 10/12% pour les quatre oligopoles que sont RWE, EnBW, E.On et Vattenfall. Un poids économique donc que tout gouvernement, quel que soit sa couleur, ne peut plus ignorer. Or, cette transition énergétique menée par les citoyens ne peut se résumer à la seule installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des habitations individuelles. Il s’agit de personnes, souvent de fortes personnalités, qui se rencontrent, mettent au point un projet économique commun, économiquement, écologiquement et socialement viable.
En France, le contexte de crise généralisée persistant a contribué à voir surgir de nouveaux comportements des consommateurs : la tendance DIY (pour «do-it-yourself»), l’essor du co-voiturage, le succès des AMAP (pour voir ce que c’est, cliquer ici http://www.reseau-amap.org/). etc… A nouveau comportement, nouvelle perception politique et sociale, et c’est arrivé à ce point qu’apparaît l’économie participative, dont fait partie l’économie sociale et solidaire que le gouvernement entend promouvoir. Là aussi, le poids économique est tel qu’il peut difficilement être occulté : selon les chiffres du gouvernement, l’ESS emploie 2,34 millions de personnes en France, soit près de 10% des salariés. Par son projet de loi, le gouvernement espère générer près de 100,000 emplois supplémentaires.
Quel parallèle peut-on dresser entre ces deux réalités nationales ? Que le prisme politique change. On observe une volonté de plus en plus forte de la part des particuliers de s’emparer de l’initiative politique pour s’orienter vers une organisation plus horizontale, synonyme de plus de souplesse, de participation active et de partage des responsabilités, loin de l’organisation verticale, perçue comme autoritaire et rigide. Les gouvernements à Paris comme à Berlin ont bien senti ce mouvement véritablement citoyen et solidaire et ont fait le choix de le promouvoir.
Par Claire Stam