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L’économie du partage, ou le rejet de la maximisation du profit

AirBnB, Uber, BlaBla Car, vous connaissez ? Non ? Ce sont de petites entreprises qui montent et qui montent. En plein marasme économique, elles affichent une santé qui frôle l’insolence! Leur point commun : l’économie de partage, soit une autre façon de comprendre et faire l’économie. Exit la maximisation du profit, retour à l’activité économique qui place le lien social au centre de son concept.

Ce concept économique émergent fut présenté, décrit, décrypté, discuté, fêté également lors du Ouishare festival qui s’est tenu à Paris du 5 au 7 mai. Les organisateurs ont tenu à montrer que chaque acteur est aujourd’hui concerné par ce modèle qui bouleverse peu à peu nos habitudes de consommation et nos modes de vie grâce aux technologies digitales.

Les visiteurs ont ainsi pu entendre Tomàs de Lara, entrepreneur social brésilien qui a fondé la société Engage, la première entreprise brésilienne à s’intéresser aux questions de stratégie et de technologies appliquées à l’engagement civique et aux projets innovants. D’après lui, nous assistons à l’abandon progressif d’une société dite égocentrique, c’est-à-dire fondée sur les principes de possessions, au profit d’une société écocentrique, soit une société centrée sur son écosysteme. Celle-ci tient compte de l’environnement naturel, politique, social et économique et introduit la confiance dans ses modèles de développement.

Des propos repris par Rachel Botsman (http://www.rachelbotsman.com/), auteur et spécialiste de la consommation collaborative. Son crédo : le monde connait aujourd’hui de si profonds changements qu’un retour en arrière n’est pas envisageable. Elle dépeint le 21ème siècle comme celui des communautés qui gagnent en pouvoir social et économique et en influence politique. Ce mouvement est un processus de démocratisation, il fait passer nos modèles d’un pouvoir institutionnel à un pouvoir distribué. De fait, la fronde de représentants du secteur économique traditionnel comme l’hôtellerie, les sociétés de taxis ou de location de voitures face au succès de nouvelles entreprises telles que précisément AirBnB, Uber ou BlaBla Car cités plus haut en est la plus belle illustration.

Par Claire Stam

A priori, l’un n’a rien à voir avec l’autre. Et pourtant…

Energies renouvelablesEn 2006, le gouvernement fédéral allemand réformait la loi encadrant la création et le mode opératoire des coopératives, les eingetragene Genossenschaften eG. Ce faisant, Berlin a contribué à assouplir leur cadre juridique (une coopérative allemande fonctionne comme une SAS française à gouvernance coopérative) et a posé sans le savoir le fondement même du succès des Energiegenossenschaften, ou coopératives énergétiques : selon les chiffres de l’Agentur für Erneuerbare Energien, le nombre de coopératives énergétiques est passé en Allemagne de 86 en 2006… à 888 en 2013.

En France, le Sénat approuvait le 8 novembre 2013 en première lecture le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire (également connu sous le sigle de ESS) qui sera prochainement débattu à l’Assemblée nationale. Dans la description du projet de loi (à voir ici http://www.economie.gouv.fr/files/pjl-ess-dp.pdf), le gouvernement rappelle que la loi dans sa mouture actuelle marque la reconnaissance d’un secteur économique qui fédère environ 10% du PIB de la France.

Et alors, quel est le lien entre ces deux initiatives législatives ? Il se résume en un point : la valorisation de l’engagement citoyen en vue de promouvoir une autre façon de comprendre et de «faire» de l’économie, celle qui privilégie la portée sociale sur le rendement maximum.

De fait, la transition énergétique actuellement en cours en Allemagne est largement portée par les particuliers, les derniers chiffres montrant qu’ils produisent près de la moitié de la production électrique d’origine renouvelable du pays, contre un piètre 10/12% pour les quatre oligopoles que sont RWE, EnBW, E.On et Vattenfall. Un poids économique donc que tout gouvernement, quel que soit sa couleur, ne peut plus ignorer. Or, cette transition énergétique menée par les citoyens ne peut se résumer à la seule installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des habitations individuelles. Il s’agit de personnes, souvent de fortes personnalités, qui se rencontrent, mettent au point un projet économique commun, économiquement, écologiquement et socialement viable.

En France, le contexte de crise généralisée persistant a contribué à voir surgir de nouveaux comportements des consommateurs : la tendance DIY (pour «do-it-yourself»), l’essor du co-voiturage, le succès des AMAP (pour voir ce que c’est, cliquer ici http://www.reseau-amap.org/). etc… A nouveau comportement, nouvelle perception politique et sociale, et c’est arrivé à ce point qu’apparaît l’économie participative, dont fait partie l’économie sociale et solidaire que le gouvernement entend promouvoir. Là aussi, le poids économique est tel qu’il peut difficilement être occulté : selon les chiffres du gouvernement, l’ESS emploie 2,34 millions de personnes en France, soit près de 10% des salariés. Par son projet de loi, le gouvernement espère générer près de 100,000 emplois supplémentaires.

Quel parallèle peut-on dresser entre ces deux réalités nationales ? Que le prisme politique change. On observe une volonté de plus en plus forte de la part des particuliers de s’emparer de l’initiative politique pour s’orienter vers une organisation plus horizontale, synonyme de plus de souplesse, de participation active et de partage des responsabilités, loin de l’organisation verticale, perçue comme autoritaire et rigide. Les gouvernements à Paris comme à Berlin ont bien senti ce mouvement véritablement citoyen et solidaire et ont fait le choix de le promouvoir.

 Par Claire Stam